« C’est une humiliation de ne pas être à la hauteur », Marie-Cécile Zinsou, Cotonou, août 2010. La première édition de « Regard 1.0 » s’éteignait alors doucement sous les pluies estivales. Nous passions par-là. Novembre 2012, la seconde « Regard Bénin » s’enlise sans nous. Jeune Afrique zappe la programmation et s’étend sur la discorde : « Bénin : une biennale sinon rien ». Deux événements, même date (8 novembre 2012-13 janvier 2013), même nom (Inventer le monde : l’artiste citoyen), mais organisateurs et budgets différents : confusion ridicule dans ce pays présenté ces dernières années comme un petit paradis des arts visuels. « Ici, l’art fait parti de la vie; il existe un terreau très fertile », disait déjà en 2010 Marie-Cécile Zinsou. Sa Fondation, créée voici 7 ans, la cote internationale de Romuald Hazoumé ou de Cyprien Tokoudagba, une multitude de plasticiens…: c’est vrai que le Bénin rayonne.

Toujours 0-0
Mais, à voix basse, tout le petit monde le sait : le collectif fait plus que cruellement défaut, il pourrit n’importe quelle initiative. Ici, les artistes en ont l’habitude : ils ne peuvent compter que sur eux (ni financements publics, ni galeries, ni collectionneurs; Tchif, Meschac Gaba à Cotonou, Dominique Zinkpé à Abomey, créent leurs propres espaces) mais pas les uns sur les autres…En 2010, la prudence presque sceptique, un brin inquiète de Marie-Cécile Zinsou nous avait décidé à ne rien écrire. «Nous avons les capacités de réaliser une fois un exploit, mais encore devrions-nous nous assurer d’être capables de le rééditer. Ce festival (Regard 1.0, ndlr) aura servi à identifier les acteurs mobilisables pour une biennale (ou une triennale, parce qu’il nous faut inventer de nouvelles formes de manifestations culturelles) ». Peut-être pas.

Le dada de papa
Qu’importe, la Fondation Zinsou continue d’inspirer sur le continent et au-delà ( «Lionel Zinsou : jamais sans mes filles », J.A.). En 2010, «Raconte-moi l’Indépendance », exposition dans les « musées » typiquement africains que sont devenus les containers à tout-faire, climatisés et animés de médiateurs formés pour l’occasion, cueille quelque 70.000 Béninois au pied de chez eux. En 2008, Malick Sidibé, plus d’1,2 million. Et clou du spectacle : Jean-Michel Basquiat (exposé pour la première fois en Afrique, 80 dessins prêtés, envoyés et assurés par le sulfureux marchand Enrico Navarra) plus de 60.000 personnes en moins de deux mois pour une visite sous haute surveillance…son bilan est réel.

« Regard m’a tué »
Quel bilan tirera pour sa part l’Institut Français (financeur à 53 % avec 163.000 euros, 73.000 euros pour le gouvernement béninois et 70.000 euros pour l’Union Européenne, selon J.A.) ? Celui de « Regard 1.0 » a sombré avec le directeur de l’époque, Olivier Poivre d’Arvor, qui apprend qu’il est viré de la direction de CultureFrance en posant les pieds sur le tarmac de Cotonou pour l’inauguration de la première Biennale…Seul témoignage qui surnage : Aston et son « bateau négrier ». « Quel rapport avec l’Indépendance (thème de la Biennale en 2010, ndlr) ? » interroge OPDA. Aston, tanguant entre rire et pleurer : « pas de routes, pas d’école d’art, pas d’autres perspectives que devenir Zem…Ne voyez-vous pas que nous sommes encore des esclaves ? ». En 2012 pour « Regard Bénin », la Fondation Zinsou produit l’oeuvre qui lui vaut de remporter le Prix du Président de la République : « la solution finale ».



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