Veste à poches, tennis tout terrain et flash au vent, le photographe s’en va en Arles une fois l’an. Au milieu de ses pairs, il prend l’air. Armé jusqu’aux dents, il tire à tout va. Croisé lors du vernissage (tardif le 5 août) de « Black is not dark », exposition collective à la galerie La Vitrine, celui-ci n’est pas là par hasard. Il travaille. Il a shooté toute la soirée sur le trottoir sans rien demander. A nous non plus qui profitions vénères de la Margarita à ciel ouvert.
L’ombre réprobatrice de Michel Pastoureau planait en effet sur cette petite galerie perchée sur trois minuscules étages aux relents de squatt. Depuis une semaine, dans le néant ambiant des bords du Rhône (voir article sur Arles), nous dévorons comme par hasard « Noir, histoire d’une couleur » , au seuil. Et voilà que ces sept artistes sont, nous apprend le descriptif, « réunis autour de Marie Lankester, artiste plasticienne et curatrice, (parce que leurs) pratiques sont régulièrement traversées par cette « non couleur » au fort pouvoir évocateur » . Une « non couleur » ?!
Bizarre de s’arrêter ainsi sans raison valable à Newton qui sort le noir de son nouvel ordre chromatique seulement à la fin du XVIIe siècle . Alors que le noir, baptisé « sable » par les dingues d’héraldique comme Pastoureau, était très à la mode au Moyen-âge. Il règne même en maître pendant quatre siècles !
Et même franchement dommage d’ignorer la théorie du seul historien des couleurs vivant selon laquelle, l’homme noir remet la couleur noire sur le devant de la scène artistique et littéraire après 1760, ouvrant la voie aux romantiques qui la réhabilitent pour de bon au XIXe. Mineurs, bourgeois, banquiers, garçons : depuis, on est tous noir addictsAlors, après quelques gobelets et avec un optimisme chevillé au corps, nous sommes quand même parvenues à la conclusion que la phrase rétro-éclairée au néon « Black is not dark » était une jolie évocation de cette subtilité lexicale qui nous fait atrocement défaut depuis l’ancien haut-allemand et le moyen anglais : la luminosité. Pour Shakespeare, swart qualifie un noir terne et black un noir brillant (ater et niger en latin, swarz et blach en allemand). Et c’est à Newton qu’on devrait, en raccourcissant, ce cruel appauvrissement. On aurait bien tiré sur le poisson rouge de Rodolphe Cintorino !
19 août 2011
HOMME EN ARLES (3/3)
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